2014_mars

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Transcription

Pardevant les conseillers du Roy, notaires au Châtelet de Paris soussignés

furent présents mre Jacques Donatien

Le Ray, chevallier seigneur de Chaumont-sur-Loire et

autres lieux, conseiller du Roy en ses conseils, grand maître

honoraire des Eaux et Forêts, intendant de l’hôtel royal des

Invalides y demeurant, paroisse saint Louis d’une part

et Sr Jean Baptiste Nini, sculpteur et graveur,

demeurant à Paris, grande rue du faubourg Saint Honoré paroisse

de la Madeleine de la ville L’Evêque d’autre part

Lesquels ont dit que l’objet de cet acte est

d’arrêter entre eux les conditions sous lesquels le S[r] Nini

doit aller habiter incessamment la terre de Chaumont

 

Article 1er

Le Sr Nini s’oblige de montrer aux habitans du lieu

à graver et à tailler les ouvrages de cristal qui se fabriquent

dans la verrie dudit Sr de Chaumont et qui en sont susceptibles

sous les avantages qui en pourroit résulter tourneront au proffit

de M. de Chaumont seul, sans que ledit Sr Nini puisse

jamais y avoir la moindre part

 

Article 2e

Ledit Sr Nini dirigera les tuileries dudit Sr Chaumont et y

fera faire au mouton des pièces de parquet de terre, des carreaux,

des briques, des tuilles et même des vases de jardin et bâtimens.

Il y exercera aussi son art de faire des médailles et médaillons

de terre cuite, tous ces ouvrages se feront à moitié perte et

profit, entre M. de Chaumont et lui

 

Article 3e

Mondit Sr de Chaumont s’oblige de son côté

1° à payer les frais de voyage dudit Sr Nini, l’emballage et

le port de tout ce qui compose son atellier à Paris

2° de lui fournir à Chaumont un logement convenable pour

lui et pour sa famille et pour y monter les atelliers nécessaires

à son travail en tout genre et qui soit tel par rapport aux 

ouvrages de tuilleries que l’on y puisse faire construire avec

commodité un petit four à la mode des faiseurs de carreaux

à Paris où l’on fera cuire chaque semaine de l’année sans

interruption ce qui suppose qu’il sera entouré de lieux propres

à faire sécher pendant l’hiver les ouvrages destinés à la cuisson

3° de lui avancer ce qu’il faudra pour faire venir

de Madrid à Chaumont sa femme et sa fille

4° de lui fournir annuellement quatre cordes de bois

pour son chauffage

5° de faire toutes les dépences nécessaires pour la

construction des fours et hangars et autres choses nécessaires

pour mettre les tuilleries en état d’exploitation, même de

payer s’il en est nécessaire pendant quelques tems un ouvrier

de Paris pour veiller à la construction du petit four et

à son chauffage

6° de faire aussi toutes les dépences qu’exigeront

l’arrangement des ateliers dudit Sr Nini et la construction 

des outils propres à graver et à tailler le cristal ledit

Sr Nini ne pourra pourtant rien répéter de ce qu’il en

fera par lui-même

 

Article 4e

L’établissement une fois fait aux frais de mondit Sr

Chaumont, tous les bénéfices des ouvrages en terre qui s’y

fabriqueront seront partagés par moitié entre lui et

ledit Sr Nini, M. de Chaumont fera les avancés

du tirage et du transport des transport des terres, du bois pour le

chauffage des fours et du payement des ouvriers et il ni

aura de bénéfice qu’après le prélèvement qui aura été

fait de ces objets, ainsi que de ce qu’il pourra couter

pour l’entretien des fours et des outils. S’il y a des

pertes, elles seront également supportées par moitié

 

Article 5e

Comme le bois se prendra sur la terre de Mr

de Chaumont, il sera fourni par lui au même prix qu’il

le vendra au public

 

Article 6e

Desquels instruments les outils et les creux et poinçons

de médailles qui composent actuellement l’atellier dudit Sr Nini

à Paris seront arrivés à Chaumont, il en sera fait un état

double entre lui et le fondé de pouvoir de M. de Chaumont

afin qu’ils ne se trouvent point confondus dans les

outils qui seront construits par la suite

L’usage et le produit de ces outils seront communs audit     

Sr de Chaumont et au Sr Nini. Les outils nouveaux   

qui seront faits appartiendront audit Sr Chaumont excepté les creux      

et poinçons des nouvelles médailles que ledit Sr Nini pourra

faire, la propriété de ces creux et de ces poinçons sera

partagé entre lui et ledit Sr de Chaumont   

Mais alors du décès du Sr Nini il sera libre

audit Sr de Chaumont et à ses ayant causes de retenir

les outils actuels et les nouveaux creux et poinçons des     

médailles en payant à ses héritiers la valleur à laquelle   

ils seront estimés

 

Article 7e

Comme ledit Sr Nini se servira des outils qu’il a actuellement pour

travailler, aux nouveaux qui seront nécessaires ils seront partagés, entretenus

aux frais de mondit de Chaumont lorsqu’ils auront besoin d’eulx

que leur valeur dans ce cas prévu par l’article six ne soit pas diminué

 

Article 8e

Ledit Sr Nini rendra à mondit Sr de Chaumont ce qu’il lui aura

avancé pour le voyage de sa femme et de sa fille sur la moitié des

bénéfices

 

Article 9e

La présente société finira par la mort du dudit Sr Nini seullement

 

Article 10e

Mondit Sr Chaumont pour recompenser ledit Sr Nini des soins

qu’il se donnera pour montrer à tailler et à graver le

cristal lui crée et constitue par ces présentes douze

cents livres de rente et pension viagère exempte

de toutes retenues des vingtièmes et autres impositions

publiques à la charge par ledit Sr Nini d’employer tous

ses talens et son tems sans exiger aucun autre salaire

à toutes les choses exprimées ci-dessus laquelle rente et  

pension viagère, mondit Sr de Chaumont s’oblige de payer

audit Sr Nini à compter de ce jour par quartier jusqu’à sa

mort à quoi il affecte, oblige et hipotèque sa terre de

Chaumont et dépendance seulement

Pour l’exécution des présentes, les parties élisent    

domicille chacune en leur demeure à Paris ci-devant  

déclaré auquel lieu nonobstant, promettant, obligeant     

renonçant. Fait et passé à Paris, scavoir à l’égard de     

mondit Sr de Chaumont en sa demeure sur désignée     

et pour ledit Sr Nini en l’étude, l’an mil sept     

cent soixante douze, le premier jour d’octobre     

Et ont signé la minutte des présentes demeurée à       

Me Deherain l’un des notaires soussignés

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Le testament olographe de Jean-Baptiste Nini daté de 1784 est rédigé à la faveur exclusive de Jacques Desniau, cité dans le testament puis dans l’acte de décès comme « garceon potier de terre » puis « domestique ». Il apparaît en fait d’après les dispositions prises, comme le personnage le plus important du proche entourage du sculpteur. Celui-ci est pourtant marié et père d’une fille. Les accords passés entre Jean-Baptiste Nini et Jacques Donatien Le Ray de Chaumont en 1772 obligeant ce dernier à faire l’avance des frais de voyage de la femme et de la fille de Jean-Baptiste Nini, de Madrid à Chaumont, et à l’octroi d’un logement pour lui et sa famille, suggèrent la venue de l’épouse du sculpteur à Chaumont puis son retour en Espagne ou bien un projet de voyage jamais réalisé, l’acte de décès citant son épouse espagnole demeurée dans son pays d’origine.

 

Trancription

Ceci est mon testament

Je déclare que voulant reconuétre l’attacheme[n]t que me porte Ja[c]ques Desniau mon garceon potier de terre et l’amitié que j’ai pour lui, je le fait et institue pour mon légataire universel de tout mon bien meuble et immeuble san[s] réserver pour en jouir et disposer par ledit Desniau en toute propr[i]été à compter du jour de mon décèds, et pour l’exécution de mon présent testament, je nome Madame ve[u]ve Dumont, directrice de carosse à Blois que je prie de vouloir bien s’en charger. Je révoque tout autre testament que je pourrojes avoir fait, voulant que le présent seul ait lieu et soit exécuté come étant mon intention et ordonance et dernière volonté. Fait à Chaumont sur Loire le 12 décembre mil sept cent quatre vingt quatre

J.B. Nini

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Transcription

Sép[ulture] de J.B. Nini

Le trois may mil sept cent quatre vingt six, a été inhumé

le sieur Jean-Baptiste Nini, artiste et graveur pensionné de

monsieur Le Ray de Chaumont, intendant de l’hôtel royal des

Invalides, grand maître honoraire des Eaux et forêts de France et

seigneur de cette paroisse, natif d’Italie et marié en Espagne

où sa femme demeure, décédé hier âgé d’environ soixante et

dix ans ; après avoir reçu les sacremens de pénitence, eucharistie

et extrême Onction : ce en présence de Jacques Desniau, son

domestique, du Sr Bouveau, huissier, de Nicolas Jean Barbier,

de François de la Boissière, gardes chasse de la terre de Jean

Ribaudeau et autres dont les non signants ont déclaré ne

scavoir signer

[Signatures] Bouveau ; François La Boissière

N.B. Barbier ; P.C. Toutin, curé

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Lefour utilisé par Jean-Baptiste Nini après la restauration de 1847 et de 1877, fin XIXe siècle ?

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Situé au lieu des Places, le four de Jean-Baptiste Nini, visible sur la carte postale, était peut-être celui utilisé pour la cristallerie. La forme conique est empruntée aux fours construits en Angleterre, les Britanniques ayant été des précurseurs dans la fabrication du cristal au plomb. C’est d’ailleurs un Anglais arrivé cinq ans avant Jean-Baptiste Nini, le maître verrier Robert Scolt Godefroi qui expérimente le premier le procédé sur le sol français. La cristallerie de Chaumont acquiert ainsi au XVIIIe siècle une grande réputation d’autant plus que cette production en série est destinée à être commercialisée. Le four dit de Jean-Baptiste Nini est vraisemblablement plutôt celui utilisé par le maître verrier Robert Scolt Godefroi car il correspond au modèle de cristallerie anglaise figuré sur une gravure dans l’un des volumes de planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert publiée au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Le contrat de 1772 évoque déjà l’existence de plusieurs fours à Chaumont et le projet de construction d’un « un petit four à la mode des faiseurs de carreaux à Paris » destiné à Jean-Baptiste Nini à qui est principalement confié la gravure du cristal et la formation des futurs ouvriers de la cristallerie. Le sculpteur consacre le reste de son temps à la réalisation de médaillons sculptés en terre cuite qui ont fait sa réputation.

L’article 9 du contrat précise encore que « la présente société finira par la mort du dudit Sr Nini seullement ». L’année même du décès de Jean-Baptiste Nini en 1786, la cristallerie royale du Creusot s’est dotée de deux fours coniques répartis symétriquement dans la cour du château de la cristallerie dont la construction a été confiée par Louis XVI à la reine Marie-Antoinette. 

Après la mort de Jean-Baptiste Nini sans doute et avant 1847, le four de Chaumont a été privé de sa cheminée et coiffé d’une toiture à coyaux - à l’imitation de celles des tours du château. Ensuite une autre couverture à mi-hauteur a encore transformé l’apparence du bâtiment lors de la construction des écuries entreprise par l’architecte Paul-Ernest Sanson en 1877.

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Cet extrait du cadastre napoléonien de la commune de Chaumont-sur-Loire permet de localiser la manufacture de cristaux et de céramique dirigée par Jean-Baptiste Nini à une centaine de mètres du château au lieudit les Places. Le château passa ensuite dans les mains de la famille de Broglie, à la suite du mariage de mademoiselle Say, propriétaire après la famille Le Ray, avec Amédée de Broglie, qui poursuivit la modification profonde de l’aspect du domaine.