• 20 septembre 1914

    20 septembre

    Il pleut, mais - l’après-midi - malgré le temps incertain - profitant d’une éclaircie - par le tramway électrique - Berthe et moi - nous allons à Chailles - histoire de nous promener ; Robert vient nous retrouver à bicyclette.

    Une ondée arrive, nous nous rendons à l’église ; elle est tendue de draperies de deuils, des drapeaux tricolores français sont autour du chœur, des lumières brillent autour d’un cercueil recouvert du drapeau de la France. Bientôt des cris se font entendre, des sanglots éclatent ; des femmes endeuillées passent, s’arrêtent au cercueil, y jettent l’eau bénite ; des hommes suivent, lourds et de noir vêtus ; des fleurs sont déposées, puis d’autres fleurs, puis d’autres sanglots éclatent ; une jeune femme, effondrée sous son voile, pousse des gémissements, semble s’adresser au mort…

     

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    Saint-Léonard-en-Beauce.- 49 Fi 71. AD41

    Il s’agit des obsèques d’un jeune soldat[1] réserviste, mort au champ d’honneur, ramené d’une ambulance de Nevers, nous dit-on, et qui sera inhumé, ce soir, dans le petit cimetière de Chailles, son pays natal.

    Nous sortons ; il ne pleut plus.

    Nous prenons la belle allée - en forêt - du carroir de la Croix-Rouge, en passant derrière le chevet de l’église de Chailles. La montée tortueuse est des plus pittoresques ; plus haut - dans l’allée, le soleil fait des risettes dans les flaques d’eau. Les frondaisons laissent tomber, une à une, des gouttes et gouttelettes ; les mûres sont gonflées de pluie. Au carroir de la Croix-Rouge, sur le poteau indicateur renversé - siège improvisé - nous nous asseyons une bonne demi-heure, exposés - comme des lézards - aux rayons du soleil. Qu’il fait bon ! Nous rentrons par St-Gervais.

    Le soir, mon ami Pierre Mangean, à Blois pour toute la durée de la guerre, ayant appris que je dois faire des gardes de nuit à l’ambulance de l’école normale des instituteurs, vient de me demander d’être de service la même nuit que j’y serai. Je lui promets de demander cette faveur à M. Guillaume de la Cotardière, chargé de ce service.

    [1] Il s’appelle Perrin, était comptable ; son frère jumeau - que je connais - est entrepreneur de peinture aux Montils.