• 2 septembre 1914

    2 septembre

     

    Je reçois la carte postale ci-jointe de mon ami Paul Verdier, infirmier au fort de Chelles (dans le camp retranché de Paris).

     

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    Guerre de 1914.- Les travaux de défense du camp retranché de Paris.- 6 Fi 306/1. AD41

     

                                            « 30 août 1914, Chelles (Seine et Marne)

    Amitiés.

    Au repos ici !!

                              Signé : Paul Verdier. »

     

    Si les Allemands arrivent sous Paris le bon Paul sera en plein combat et sous le feu.

    Hélas ! Ils avancent de plus en plus et rien ne les arrête. Qu’est-ce à dire ?

    Aussi voit-on passer une véritable armée d’automobiles chargées à rompre de malles, de caisses, de valises, de cartons, de paniers, de paquets de toutes tailles et de toutes façons, de je ne sais quoi encore, avec des familles entières, père, mère, enfants, grands-parents, domestiques, entassés comme ils peuvent, plutôt mal que bien, couverts de poussière, ruisselants de chaleur ; tous fuient, chassés par les hordes barbares.

     

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    Fugitifs belges fuyant le nord de la France.- Agence photographique Rol.- Gallica.bnf.fr / BNF, département Estampes et photographie, EST EI-13 (402)

     

    Il y a tous les genres d’automobiles : l’automobile de luxe toute frémissante, grande dame consciente de son importance ; l’automobile de propriétaires aisés, très chic et suffisamment cossue ; l’auto de commerçants, moins soignée, plus « tape à l’œil » ; l’auto modeste, sans prétention hormis celle de rendre service ; l’auto militaire, fière et allongée, ornée de flammes aux couleurs françaises ; l’auto de commerce avec sa caisse à échantillons et ses réclames et annonces peintes sur la carrosserie ; l’auto lourde de livraison, pesante et trapue, sentant encore les salaisons, les grains ou l’épicerie ; il y en a encore. Elles passent toutes, comme affolées ; les gens qu’elles transportent respirent la peur, la terreur de ce qu’ils ont vu les suit partout… ils fuient loin de l’envahisseur, vers des cieux plus sûrs. C’est sinistre à voir.

    Les autos volent, elles passent sans interruption, dans un brouillard opaque de poussière. Elles vont toutes vers le sud, mettent le plus qu’elles peuvent entre elles et les allemands, elles vont, vont, toujours, n’importe où, droit devant eux. Il en passe des milliers, tous les taxis de Paris sont à Blois, toutes les catégories sont représentées.

    Beaucoup d’émigrés – ceux qui n’ont pas d’autos descendent des trains, ils ont été chassés par l’ennemi, ou bien ils ont été prévenus de fuir en 1 h ½ de temps ; ils ont ramassés quelques vêtements, quelques objets précieux, et ils passent dans les rues avec leurs paquets et leurs baluchons sur leur dos. Les pauvres gens, ils n’en peuvent plus !

    Quelle lugubre vision celle de toute une partie de la France, fuyant sous les attaques de l’envahisseur ! Ils fuient, vont loin, très loin…

    Certains s’arrêtent à Blois ; ceux plus sages attendront en notre ville des jours meilleurs et, si les Allemands viennent ici, iront plus loin. Quel navrant spectacle !

    Et les bruits les plus divers circulent : la forêt de Compiègne est en feu, les habitants du nord de la France sont massacrés, Lille serait détruite.

    Que ne dit-on pas ?

    Les émigrés pauvres sont hospitalisés au grand séminaire. Les riches sont dans des hôtels qui regorgent de monde. Il n’y a plus une chambre à donner à Blois. Beaucoup de gens couchent dans les greniers, dans les écuries, n’importe où, et il en arrive toujours.

     

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    Article extrait du journal hebdomadaire « L’Écho de la Sologne », 13 septembre 1914.- 104 PER 1914 / AD41

     

    Le soir, avec Robert, en automobile, nous allons aux Montils chez M. le docteur Corby qui est rentré de Paris. Sur la grand’route de Montrichard de nombreuses autos reviennent de mener des blessés à l’ambulance installée dans le collège de Pontlevoy.

    Partout c’est l’épouvante et la douleur qui passe.