Accueil Centenaire 1914-1918 Le Journal quotidien de Paul Legendre (1914-1915) Novembre 1914 2 novembre 1914
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2 novembre 1914
2 novembre
Les morts !
Je vais – avec maman – au cimetière de Vienne, et le soir – vers la fin du jour – à celui des Grouëts où repose la bonne Madame d’Artemare, dont samedi, 31 octobre, était le premier anniversaire de la mort.
Je reçois la convocation ci-dessous :
« Bureau de recrutement de Blois
Commission spéciale de réforme
Ordre de convocation
Vous êtes invité à vous présenter devant la commission de réforme siégeant à l’hôpital mixte de Blois, le 5 novembre 1914 à 13 h 30 porteur de votre livret militaire.
Blois, le 29 oct. 1914
Le commandant de recrutement
Signé : Destenay. »
Au dos se trouve inscrit mon adresse.
Blois.- Le quai de l’Abbé Grégoire. A droite, l’Hôtel-Dieu.- 6 Fi 18/720. AD41
Jeudi je saurai donc où je serai affecté. Mais – je l’avoue – c’est une obligation peu agréable et je voudrais bien être à jeudi soir. Enfin il faut obéir.
Je reçois une bonne carte de mon ami Paul Robert :
« Samedi 24 octobre 1914
Mon bien cher Paul
Quelle heureuse surprise pour ton ami, hier matin, en recevant ta bonne lettre. Merci, mon cher Paul, de tout l’intérêt que tu me portes, tu sais bien que, de mon côté, l’affection est égale, depuis notre rencontre elle n’a pas changé, elle s’augmente au fur et à mesure des années de séparation. Tu t’es déjà demandé, me dis-tu, bien des fois où je me trouve, cela me serait difficile de te dire l’endroit exact, car, depuis le commencement d’août nous avons beaucoup voyagé, beaucoup vu et surtout beaucoup enduré. Je me trouve en ce moment dans le pays que j’ai quitté il y a un an. Y es-tu ??? Je ne puis t’en dire davantage. Tu trouveras en haut de la carte l’adresse[1] exacte où tu pourras écrire lorsque tu en auras le loisir. Inutile de te dire – cher ami – que tes nouvelles seront les bienvenues, surtout en ce moment. Tu trouves – mon cher Paul – que tu ne travailles pas assez pour ton pays, je ne suis pas de ton avis, permets-moi de te le dire ; que si je fais beaucoup – ce que je trouve exagéré – je me comporte comme un bon chasseur à pied, voilà tout. Toi, de ton coté, tu te dévoues beaucoup plus que moi, tu ne dois pas être honteux au contraire, tu n’en auras que plus de mérite. Je me porte toujours bien, surtout maintenant ; j’en suis le premier étonné ; je ne demande qu’une chose c’est que cela continue jusqu’au bout. En même temps que ta bonne lettre j’ai reçu une lettre de mes parents qui sont à Marseille ; comme j’ai dû te le dire, il me semble, je suis bien tranquille à ce sujet ; ils sont à l’abri de tout incident. Je prends bonne note de ta promesse de venir, bientôt je l’espère, à Lunéville. Quelle joie de se revoir surtout après de si tristes circonstances. Avec la protection d’en Haut, je te dis au revoir. Une affectueuse accolade de ton ami dévoué.
Signé : Paul Robert »
Voila des lettres qui me font, toujours, le plus grand plaisir, mais le bon Paul exagère mes humbles services accomplis sans danger, sans mérite par conséquent.
[1] Caporal Robert, 2e Cie, 20e bataillon de chasseurs, 12e corps d’armée (bureau central militaire, Paris).
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