• 8 janvier 1915

    8 janvier

    J’apprends la mort de Tattegrain, le grand peintre, survenue à Arras où il prenait des dessins en vue d’une œuvre qu’il concevait du bombardement d’Arras. C’est une perte pour l’art français.

     

     

    ruines d'Arras

    Ruines d’Arras.- Agence photographique Rol.- BNF, département Estampes et photographie, EI-13 (550)

     

    J’apprends aussi la mort, survenue hier matin, d’un bon voisin, M. Fréderic Bouillé[1], disparu à 69 ans. C’est une de ces bonnes figures de vieux garçon d’autrefois qui disparaît. Avec ses pantalons assez larges, ses pardessus amples, ses cravates qu’il faisait lui-même (et c’est tout dire !), ses cols à cornes larges ouvertes, ses chapeaux– mi-hauts – souvent de couleur café au lait, la démarche indécise, les bras écartés, prenant – de loin en loin – avec une infinie délicatesse – une prise de tabac fin, c’était le type accompli du « vieux garçon » à la Balzac. Très aimable, très intelligent, de conversation agréable, – quoique Parisien pendant de longues années – il avait une allure très régionale et une silhouette du vieux terroir blésois. C’était un brave homme, épris d’art à ses heures, il avait été dans les bronzes à Paris ; il laissera de sincères regrets.

    L’adjudant Henri de Beaucorps (9e Cie du 39e territorial) m’écrit (entre autres choses) :

    « Cher monsieur. Je vous remercie de vos vœux de bonne année et j’en forme de même pour vous, quoique 1915 s’annonce comme devant nous apporter plus de deuils que de joies. »

    La guerre continue son travail d’usure et de pénétration lente. Que c’est long et quelle guerre, entend-on partout. Jamais une guerre pareille s’est vue [sic].

    [1] rue Cobaudière, 2, à Blois