• 9 décembre 1914

    9 décembre 1914

    « Joyeuse lettre – comme toujours – de Monseigneur Bolo ! « En vue de Fano 27 nov. 14 [île de Fano dans l’Adriatique, actuelle Othoni] : Nous avons eu hier une magnifique tempête. J’ai contemplé la mer énorme, écumante et fumante sous le soleil, jusqu’au moment où j’ai reçu une trombe d’eau sur la tête. J’étais sur la passerelle. Il a fallu descendre. La veille dans la baie de Draganesti [Drakonera], digne d’Homère et des dieux, j’avais passé la journée en baleinière à faire de la voile sur des eaux calmes que contemplait un ciel bleu, dans un cirque d’énormes montagnes agrémentées de petits villages à tous les creux. Imaginez-vous les Pyrénées à demi submergées, ou encore les lacs de la Haute Italie communiquant. Vous aurez une idée des Échimades [Les îles Échinades].) Oserai-je le dire ? Je croyais partir pour la guerre, l’effort, le sacrifice de soi….nous faisons du yachting dans des conditions délicieuses. De temps à autre il est question de sous-marin, on tire quelques coups de canon, on arrête un bateau, on fait quelques pauvres bougres prisonniers, on démolit un phare….et c’est tout. Une guerre pour rire. (…) De l’amiral au plus humble matelot, je rencontre partout la plus parfaite bienveillance. Nous n’aurons pas eu, depuis le départ, l’ombre d’une anicroche. Au point de vue ministère je peux bien dire que je n’ai jamais été aussi heureux. Nous avons, chaque jour, d’abondantes dépêches sur la guerre. Eiffel-Reuter nous renseignent en français et en anglais. Les Autrichiens, eux-mêmes, nous servent en un français de choucroute des nouvelles sensationnelles par une vague agence de télégraphie S.F. Les correspondances particulières nous informent encore mieux. C’est ainsi que nous avons pu savoir, par des amis intimes de Kitchener, que ce dernier, étant allé sur le front, est revenu tout à fait enthousiasmé et déclare que vers la fin de l’année la guerre pourrait bien être finie. Le frère de notre amiral qui se bat du côté d’Ypres écrit : « on les tue comme des lapins dans un tiré, par moment cela devient écœurant ». (…) Comme vous le voyez nous sommes tout à l’optimisme… » (…) Cela fait du bien de recevoir des lettres semblables. D’autant que voici que les Russes qui avaient remporté la fameuse bataille de Lódtz, viennent de reculer à nouveau, d’évacuer Lódtz, ce à quoi - comme dans le proverbe « qui quitte sa place la perd » les Allemands, en gens bien avisés, se sont empressés d’occuper Lódtz. Ils ne pouvaient pas mieux faire. Dame ! Je n’y comprends rien et j’y perds mon latin… »

     

     

    Salonique

     

    Vue de Salonique, Grèce.- Agence photographique Rol.- BNF, département Estampes et photographie, [Rol, 45559]