Accueil Centenaire 1914-1918 Le Journal quotidien de Paul Legendre (1914-1915) Août 1914 30 août 1914
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30 août 1914
30 août – 29e jour de la mobilisation
Quelle pénible nouvelle nous arrive ce matin ? Les Allemands sont à la Fère - dans l’Aisne - et s’avancent sur Paris. La Fère ? Mais c’est à moitié chemin de la frontière à la capitale.
Comment ces misérables sont-ils parvenus à pénétrer ainsi sur le sol français ?
On dit – avec mystère – tantôt d’une façon, tantôt d’une autre – que les Percin, Sauret, d’Amade, Sarrail et Brochin – tous généraux de la franc-maçonnerie et non de la France, seraient passés en conseil de guerre et plusieurs – à l’heure actuelle – seraient fusillés.
On dit que Percin aurait - à dessein – le misérable – laissé entrer les Allemands dans la région de Lille.
Télégramme officiel, 30 août 1914.- 8 Rv 90. AD41
Et voilà les généraux que nous nomme la République ? Comprendra-t-on enfin que la franc-maçonnerie n’a pas de patrie, qu’elle est une organisation occulte, et que les francs-maçons allemands ont placé leurs « créatures » dans les postes les plus importants de France, dans le but, évident, d’être les maîtres chez nous ? Et ceci s’accomplit à la lettre, et voici la France vendue par la franc-maçonnerie !
Les Allemands à la Fère ! Dans huit jours, ils seront sous Paris !
Les esprits sont atterrés par cette pénible nouvelle et les gens ne tarissent pas de malédictions à l’égard de notre gouvernement. Il y a de quoi !
Et les Allemands s’éterniseront-ils devant Paris ? Peut-être bien – dans leur marche – investiront-ils ce qu’ils pourront des départements français ! Des combats sont signalés à Guise, à Novion-Porcien, et notre aile gauche – attaquée par un ennemi supérieur – recule en bon ordre. Et pendant que l’ennemi est supérieur en nombre, les villes comme Blois où il n’y a rien à faire - sont encombrées de troupes. Les soldats ou mobilisés, habillés militairement ou non, avec ou sans armes, sont là, attendant des ordres et ne font rien. Que font ces gens ? Nous sommes inférieurs en nombre et nos soldats restent là, inertes, attendant un commandement, et je ne parle pas des français qui - comme moi - attendent leur ordre d’appel et ne le reçoivent pas ! Le recevront-ils ?
C’est désolant !
Et pendant ce temps, pendant [que] les Allemands s’avancent, que nous reculons, que le nord-est de la France est à feu et à sang, que nos merveilles de Pierrefonds, de Chantilly, de Compiègne et autres trésors sont à la merci des barbares on nous dit – sur tous les tons – « ayez confiance ! Patientez ! La victoire est assurée. »
C’est à n’y rien comprendre.
Nous revenons de la ville - Robert et moi - dans la plus complète désolation.
Aussi l’après-midi - afin de nous soustraire aux idées obsédantes et déprimantes de ces tristes nouvelles - allons-nous à la campagne, où - dans le calme de la nature - par une belle après-midi de fin d’août - nous nous livrons à la pêche à la ligne sur les bords fleuris du Cosson aux Ponts Chartrains. Cela nous délasse et nous repose, tant il est vrai que le repos des champs est un remède souverain.
Les Ponts Chartrains.- Phot. Mieusement, 1900.- 33 Fi 208/1. AD41
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