• 18 août 1914

    18 août - 17e jour de la mobilisation

     

    Je reçois une lettre de M. Paul Perrochon-Renou, propriétaire à Santenay, commune de Bourgueil (Indre-et-Loire), neveu de monseigneur Renou, ancien archevêque de Tours. Les lettres arrivent avec de gros retards.

    « Varennes-s/Loire, 9 août 14

    Cher monsieur Legendre

    À tout hasard je vous écris quelques mots à Blois. Peut-être êtes-vous, comme moi, mobilisé. Je suis en ce moment à Varennes-sur-Loire, au service de la sûreté des voies ferrées. Mon poste est à une barrière entre les gares de Varenne et de Port-Boulet…etc. »

    Ainsi partout on a répondu à l’appel et chacun est à son poste.

    J’ai oublié de signaler que mardi dernier - 11 août - Fénélon Mignon, mon ami, habitant Bruxelles, appelé en France par la mobilisation, est venu me voir, il était accompagné par Gabriel Leloup, comme lui habitant Bruxelles (Belgique). Je répare l’oubli.

    Les nouvelles officielles sont bonnes « nous avons conquis la majeure partie des Vosges sur le versant d’Alsace », dit le communiqué.

    « Notre artillerie a des effets démoralisants et foudroyants pour l’adversaire. D’une façon générale nous avons, au cours des journées précédentes, des succès importants. »

    Le général allemand Von Emmich a été tué devant Liège et le prince de Lippe également. Le Kronpinz serait blessé et un général – celui qui gouvernait à Saverne - a été blessé grièvement à la langue. Le châtiment commence.

     

    Kronprinz

     

    Le Kronprinz dans son costume de hussard de la mort.- Agence photographique Rol.- Gallica.bnf.fr / BNF, département Estampes et photographie, EST EI-13 (384)

     

    Hier, avec Robert - j’ai omis de dire - nous sommes allés à Romorantin, en auto, avec arrêt à la Gauthaise et à Mur-de-Sologne. Nous avons vu M. le curé de Mur qui nous a montré une carte de M. l’abbé Allegret, curé de Courmemin, qui, actuellement est brancardier en Alsace ; l’abbé Allegret se déclare enchanté de son poste et plein d’entrain. M. le curé de Mur a annoncé, en chaire, qu’il se mettait à la disposition de ses paroissiens pour donner son aide, devant les vides qui se sont produits partout ; et, déjà, il est allé faire sa part dans une équipe de battage de grains. C’est là un bel exemple.

     

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    Mur-de-Sologne.- L’église.- 6 Fi157/4. AD41

     

    On signale aussi, en Loiret, un prêtre qui est garde-voies et, comme souvent ils n’ont de l’habit militaire que le képi, est en soutane, le képi rouge sur la tête, et l’arme, baïonnette au canon, sur l’épaule. Voila un curé qui comprend son devoir et doit avoir du succès.

    À Romorantin nous allons chez M. Porcher-Seveau ; il nous raconte qu’il a été mis, dans leur ville, tous les « joyeux » des compagnies de discipline d’Afrique : repris de justice, souteneurs, voleurs, apaches, assassins, etc gardés par une compagnie du 39e territorial.

    Ce qui n’empêche pas les « joyeux » de s’évader, voler, attenter aux jours des gens, causer la terreur à Romorantin et aux environs. Les Solognots ne sortent plus qu’armés. Déjà – paraît-il – plusieurs « joyeux » ont été fusillés.

    Ce soir, je vais aux Montils - chez M. le docteur Corby – par la Loire et reviens par la forêt. Hier – comme aujourd’hui – nous étions munis de sauf-conduits. Ces prescriptions sont toujours de rigueur.

    À Paris ma sœur nous écrit que les autobus ne circulent plus, qu’ils sont tous partis à la frontière ; que des femmes remplissent les fonctions de contrôleurs dans les tramways et le métro ; que beaucoup de magasins, de bureaux sont fermés jusqu’à la fin de la guerre. Aux bureaux du Sélénifuge au lieu d’entrer à 8 h jusqu’à midi ; de rentrer ensuite à 1 h ½ jusqu’à 6 heures, les heures sont ainsi réparties : entrée à 10 h jusqu’à 1 h moins ¼, un quart d’heure pour collationner, rentrée à 1 heure jusqu’à 4 heures. Drôle d’organisation du temps.