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Une vie d'archiviste exemplaire : Albert Dessay et le classement de la série O
Illustration 1 : Carte de contrôleur des carburants d’Albert Dessay, 1941 (ADLC, 537W39).
Albert Dessay, sous-archiviste de Loir-et-Cher
De 1800 et 1982, toutes les communes du département ont été soumises à une tutelle préfectorale. Cette tutelle a permis la constitution, à la préfecture, de dossiers d’affaires communales qui constituent aujourd’hui la série O des archives départementales de Loir-et-Cher. Le classement de cette série a été le chantier le plus ambitieux qu’ait entrepris Albert Dessay au cours de sa carrière d’archiviste. Né en 1897 en région parisienne, soldat blessé de la grande guerre, il devient en 1922 stagiaire aux Archives départementales. Il y reste jusqu’en 1962, assurant à plusieurs reprises la direction intérimaire de l’institution.
En 1930, l’archiviste André Betgé-Lagarde expliquait qu’il était urgent de procéder à un classement de la série O : « Il était temps d'entreprendre la refonte définitive de cette série, l'une des plus souvent consultées, et d'en établir un répertoire sommaire. » C’est à cette tâche que va se consacrer entièrement Albert Dessay de 1936 à 1944. Il s’agit d’un classement délicat et attendu. La série O, dépourvue d’inventaires et délaissée par des conservateurs absorbés par les séries anciennes, avait été plus ou moins classée par leurs auxiliaires en dépit des instructions ministérielles ou d’un quelconque cadre de classement.
Illustration 2 : Plan de classement manuscrit d’Albert Dessay pour les villes, 1936 (ADLC, 5T104).
Le classement de la série O sur fond de guerre et d’occupation
Une fois qu’il a fait valider son plan de classement par Henri Courteault, directeur des Archives de France, Albert Dessay peut commencer son classement. Il est pourtant interrompu par les évènements de la seconde guerre mondiale. Le conservateur des archives étant mobilisé en août 1939, Albert Dessay abandonne la série O pour s’occuper de la direction du service et de la protection des fonds. Dès septembre, les archives sont fermées et Albert Dessay est affecté par la préfecture au service des réfugiés. Revenu aux archives en octobre, il écrit : « Lorsque les réfugiés ont été installés dans le département, je m'occupais de mettre en sûreté les documents les plus précieux. Placés dans 40 sacs de toile, ils furent descendus le 14 octobre dans une cave du château de Blois ». Il tente alors en vain d’élaborer un plan d’évacuation des archives anciennes dans les châteaux du Blésois. Le 10 mai 1940, les archives sont à nouveau fermées et Albert Dessay retourne au service des réfugiés. Rapatrié vers le sud dès le 16 juin avec tout le personnel de la préfecture, il est bloqué à Poitiers par pénurie d’essence. N’y tenant plus, il rentre à Blois en bicyclette le 30 juin pour constater que les archives ont été épargnées par les bombardements de la ville.
Les archives fonctionnent à nouveau depuis le mois de juillet mais la préfecture affecte Albert Dessay au contrôle des charbons et carburants pendant presque toute la durée de l’occupation. Passant son temps libre aux archives, il parvient à se remettre petit à petit au classement de la série O, qu’il n’achèvera qu’en 1944.
Illustration 3 : Lettre d’Henri Courteault approuvant le plan de classement, 1936 (ADLC, 5T104).
L’intérêt de la série O
La série O est essentielle pour faire l’histoire politique, économique, sociale, culturelle et religieuse des communes de Loir-et-Cher, d’autant plus que pour Blois et ou Vendôme, les archives municipales ont brûlé dans les bombardements de juin 1940. Elle permet de retracer l’histoire de leurs rues et de leurs quartiers, de leurs bâtiments (mairie, écoles, églises, cimetières, etc.) et de leur personnel municipal.
La série permet surtout l’étude précise des relations entre le préfet (et donc l’autorité centrale) et les communes, c'est-à-dire l’histoire de l’administration des territoires. Les devis, plans et photographies qu’on y trouve sont primordiaux pour l’historien de l’art, de l’architecture et des techniques mais aussi pour l’historien des villes, de l’urbanisation, de l’industrialisation ou encore pour le spécialiste de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Les contentieux, les rapports de police, les pétitions d’habitants, les enquêtes qui précède ou accompagnent tel ou tel projet de la commune nous renseignent également sur l’histoire des mentalités.
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