Lettre du roi Louis XII à « sa fille », 16 septembre 1505
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En ce 16 septembre 1505, Louis XII dicte un bref message à l’intention de « sa fille » du château de Madon, propriété des religieux de l’abbaye Saint-Lomer de Blois reconstruite en demeure de plaisance. Ce lieu lui est familier puisque c’est là que le roi témoigne devant le tribunal ecclésiastique chargé de l’instruction de sa demande de dissolution de mariage avec Jeanne de France en 1498. Au printemps 1505, une nouvelle maladie a mis gravement en péril la vie du roi, à tel point qu’il est donné pour mort. Le peuple s’en émeut. Guéri, le roi fait plusieurs séjours à Madon où la maladie l’avait surpris.
La teneur et le ton de la lettre ne paraissent guère en adéquation avec une aussi jeune enfant que la fille de Louis XII Claude de France, née le 13 octobre 1499. L’identité de la destinataire n’est donc pas aussi assurée que l’adresse « à ma fille » le suggère, l’usage de cette expression n’étant pas non plus restreint à la seule filiation. Quant à la date de la lettre, qui n’est pas contenue dans le message, elle est connue par une inscription plus récente au crayon, portée peut-être par le détenteur du fonds de Madon, la famille de Warrren, avant le don aux Archives départementales.
Le titre familial « V[ot]re bon père » de la main du roi qui clôt la lettre et précède la signature, vaut aussi pour ses sujets. La dénomination de « père du peuple » est accordée au roi lors des Etats généraux à Tours en 1506 par le chanoine de Notre-Dame de Paris Thomas Bricot, selon les panégyristes officiels, élargissant ainsi sa « paternité » à l’échelle du royaume. La reconnaissance exprimée au roi, responsable du bien-être de ses sujets, assimile le peuple au fils du roi, lui-même privé de cet héritier direct, tandis que le qualificatif est aussi synonyme de bon gouvernement. En effet, Louis XII assure la paix intérieure du royaume. Il met en route le projet de rédaction des coutumes et réduit progressivement d’un quart le montant de la taille. L’année 1505, outre la maladie du roi, voit se tendre la question du mariage de Claude de France. Les deux évènements seront finalement liés. Un premier contrat en 1501 scelle les fiançailles de la fille du roi avec Charles de Gand-Luxembourg, archiduc d’Autriche et futur empereur Charles Quint, parti proclamé d’Anne de Bretagne, l’épouse de Louis XII, mais le revirement du roi à l’issue de sa maladie conduit à la signature d’un nouveau contrat en faveur de François d’Angoulême, futur François 1er.
D’après une chronique de Jean d’Auton, Louis XII réclame sa fille avec insistance durant sa maladie. En proie à des accès de délire, il veut lui remettre un bâton qu’elle seule pourra toucher, geste qui renvoie au bâton de commandement, symbole du pouvoir, traduisant peut-être par la métaphore l’image du roi confiant le pouvoir à son aînée.
C’est chose faite en quelque sorte lorsque Louis XII recouvre la santé. Avec la décision précipitée et définitive des fiançailles de Claude avec le comte d’Angoulême, Louis XII lui transmet sa couronne, sans pouvoir toutefois lui en déléguer la souveraineté, en raison de la loi salique.
Le passage : « ceulx qui ont esté pour l’évêché de Commi[n]ges fait référence à un épisode du schisme opposant Amanieu d’Albret et Gaillard de l’Hôpital pour la titulature d’évêque de Comminges - Saint Bertrand-de-Comminges – ; à partir de 1501, les chanoines ont élu un des leurs, Gaillard de L'Hôpital, et le pape a désigné Amanieu d'Albret, qui cumulait déjà un nombre impressionnant de bénéfices. Le parlement de Toulouse donna raison à Amanieu d’Albret. Gaillard de L'Hôpital fit appel au Grand Conseil, qui déféra l'affaire au parlement de Paris. Celui-ci jugea en faveur de Gaillard le 23 décembre 1505. Cet épisode est très représentatif des dissensions qui agitent les évêchés et les diocèses avant le concordat de Bologne en 1516.
Quant au « neveu de Foix » cité dans la lettre, il désigne sans doute Gaston de Foix, fils de Marie d’Orléans (1457-1493), sœur de Louis XII. D’ailleurs, en ce mois de septembre 1505, Louis XII, presque un père pour ses neveux orphelins, règle les dernières formalités du mariage de sa nièce, Germaine, sœur de Gaston, avec le roi Ferdinand d’Aragon, célébré au château de Blois le 19 octobre suivant.
Le contexte religieux dans le diocèse de Comminges, les évènements familiaux en instance et son âge suggèrent hypothétiquement Germaine de Foix (née en 1488) pour destinataire du message de Louis XII.
En revanche, rien ne permet, semble-t-il, de savoir où se trouve Claude en septembre 1505. Elle a peut-être suivi sa mère : Anne de Bretagne, partie à la rencontre de ses sujets dans son duché, est sans doute sur le chemin du retour après un voyage commencé au début du mois de juin 1505.
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